LA BIBLIOTHÉCAIRE
Gudule
Mise en contexte
La Bibliothécaire, publié en 1995, fait partie des premiers romans pour adolescents de Gudule. Ce roman fantastique (genre qu'affectionne particulièrement l'auteure) est aujourd'hui recommandé par l'Education nationale en France. Réédité en 2001, il fait peau neuve en 2007 avec une toute nouvelle couverture qui n'est pas sans évoquer le voyage initiatique au pays des livres, thème privilégié par le roman.
Réflexions
- Commentez la « modernisation » de la première page de couverture du livre (à gauche). Rapprochez l'illustration de la description de l'ex-ancienne bibliothécaire du chapitre deux (p. 29).
- Ce roman présente différentes figures du lecteur. Quelles sont-elles ?
- « Les couvertures des livres, nous dit le narrateur, sont des portes qui donnent, non sur des textes arides comme on le croit souvent, mais sur de fabuleux univers. Celui-ci n’est autre qu’un magnifique jardin plein de fleurs et de fontaines. » (p. 83-84) Étudiez les « portes » et les « couloirs » qui, dans La Bibliothécaire, permettent aux personnages d'entrer dans les livres.
- Commentez les propos de Guillaume « J'ai l'impression... que les livres ont des passages secrets qui les relient les uns aux autres...[...] J'ai été projeté de la rue de la Chanvrerie au désert du Sahara au moment où... (il se concentre fortement)... la mort de Gavroche me faisait penser à celle du Petit Prince. » (p. 160)
- Vérifiez votre connaissance des personnages littéraires que rencontrent les protagonistes et des oeuvres auxquelles ils appartiennent.
- La Bibliothécaire, un livre raciste ? (voir extrait d'un blog ci-dessous)
Les chercheuses de poux
Quand le front de l'enfant, plein de rouges tourmentes,
Implore l'essaim blanc des rêves indistincts,
Il vient près de son lit deux grandes sœurs charmantes
Avec de frêles doigts aux ongles argentins.
Elles assoient l'enfant devant une croisée
Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs,
Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée
Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.
Il écoute chanter leurs haleines craintives
Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés
Et qu'interrompt parfois un sifflement, salives
Reprises sur la lèvre ou désirs de baisers.
Il entend leurs cils noirs battant sous les silences
Parfumés; et leurs doigts électriques et doux
Font crépiter parmi ses grises indolences
Sous leurs ongles royaux la mort des petits poux.
Voilà que monte en lui le vin de la Paresse,
Soupirs d'harmonica qui pourrait délirer ;
L'enfant se sent, selon la lenteur des caresses,
Sourdre et mourir sans cesse un désir de pleurer.
Rimbaud |
Un livre raciste ?
Beaucoup de plaisir, donc. Et pourtant, énormément de déception également...
Guillaume a un ami Noir que Gudule appelle Doudou, que le narrateur désigne souvent par la formule "le Black", et à propos duquel tous les fantasmes autour du bon sauvage reviennent au galop, en provenance directe d'une époque coloniale, paternaliste, condescendante. En voici quelques exemples : d'abord, le héros romantique est blanc et s'appelle Guillaume, et le meilleur pote comique s'appelle Doudou... Ensuite, "le Black" ne parle qu'en faisant du rap... Puis, lorsqu'il rencontre une jeune fille de son goût, c'est forcément "une petite Black"... Des mystères irrésolus sur la voie de nos héros ? "Les origines (de Doudou) le PREDISPOSAIENT aux croyances magiques" (c'est nous qui soulignons)... Ne parlons même pas de Doudou faisant du skate (Gudule ignore visiblement que la culture du rap et celle du skate sont très lointaines l'une de l'autre), ni de Doudou volant une pomme sur l'étal d'un marchand pour la dévorer en quelques secondes et en jeter le trognon dans le caniveau, en bon barbare qui n'a ni monnaie ni couverts... ...
Ces "petits détails" de l'histoire composée par Gudule, décidément, nous gâchent notre plaisir, et nous amènent à nous poser quelques questions sur le sérieux de son entreprise. Nous entendons dire, qui plus est, que la littérature de jeunesse va régulièrement dans ces directions, par une sorte de démagogie complice avec le franc-parler impropre des plus jeunes ? Ne nous résignons pas, et appelons un chat un chat : cette histoire est bien belle dans la mesure où elle flatte notre culture livresque blanche et occidentale, mais pour légitimer cette culture, elle n'a pas su se passer d'un vieux fond de racisme. Dès lors, comment conseiller à nos élèves de lire une oeuvre dont nous essayons de combattre, au quotidien, les conceptions intellectuelles ?
(Blog http://blogalire.blogspot.com/2005/09/la-bibliothcaire.html)
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