La Bibliothécaire
Ce qu'en dit l'auteure (échange de courriel)
Questions à Gudule, accompagnées de ses réponses –
les 5 et le 8 juin 2007
Q. - Lors de l'écriture de La Bibliothécaire, avez-vous utilisé vos
souvenirs de lectures enfantines pour évoquer Alice au pays des
Merveilles, Poil de Carotte, Les Chercheuses de poux, Les Misérables
et Le Petit Prince, ou avez-vous uniquement travaillé à partir des
textes originaux, c'est à dire avec les textes sous les yeux à tout
moment ? Par exemple, lors de l'écriture du passage au Pays des
Merveilles, vous êtes-vous souvenue d'un éventuel visionnage de la
version Disney du livre de Carroll ?
G. - Oui, j'ai utilisé des souvenirs de lectures enfantines qui m'avaient
particulièrement marquée. C'est même le but avoué du livre : réaliser mon
vieux rêve d'enfance qui était de pénétrer "réellement" dans les livres que
j'aimais pour y retrouver les héros qui m'avaient, jadis, fait battre le
coeur. (Je pense tout particulièrement à Poil de carotte dont, à 10 ans,
j'étais amoureuse, et que je souhaitais ardemment défendre contre la
maltraitance maternelle.)
Je n'ai pas travaillé à partir des textes originaux, mais avant d'écrire le
livre, je les ai relus, afin de bien m'imprégner du style des auteurs. Je
dis bien "texte", non film, car pour ma part, je n'aime pas l'adaptation que
Walt Disney a faite d'Alice au pays des merveilles. Je la considère même
comme une trahison de l'esprit de Lewis Caroll.
Une dernière chose : les livres dans lesquels pénètrent Guillaume et ses
amis ne sont, bien sûr, pas les seuls à m'avoir marquée dans mon enfance. Il
y en a bien d'autres. Mais la difficulté résidait dans les "couloirs" menant
d'un livre à l'autre. Ce sont eux qui ont déterminé mon choix dans l'immense
panel de mes lectures d'enfance.
Q. - Vous êtes-vous inspirée de la structure d'Alice au Pays des
Merveilles de Lewis Carroll pour développer les aventures de Guillaume
et Doudou dans les livres ?
G. -Pas du tout. J'ai créé une véritable quête, le but étant d'imposer aux héros
un certain nombre d'"épreuves", les faisant progresser vers la découverte
d'un graal (le grimoire). Alice au pays des merveilles est un parcours
initiatique philosophique, ce qui est très différent.
Q. - D'une manière générale, vous êtes-vous intéressée aux
recommandations de l'Education Nationale lors du choix des livres que
parcourent vos héros ?
G. - Absolument pas. Je n'ai tenu compte que de mes goûts personnels.
Q. - Enfin, avez-vous fait en sorte que Guillaume et Doudou forment des
paires de personnages, des sortes de doubles, avec les héros
classiques qu'ils rencontrent ? J'ai pensé notamment à Guillaume/Poil
de Carotte, Guillaume/Gavroche, Guillaume/le Petit Prince,
Doudou/Rimbaud. A ce propos, pourquoi y a-t-il autant de personnages
masculins dans cet ouvrage ?
G. - Non, les seuls couples de mes livres sont Guillaume-Idda, et Doudou-Adi. Il
n'y a pas de volonté d'identification entre Guillaume et les héros des
livres traversés. Si ceux-ci sont, pour la plupart, masculins, c'est tout
simplement parce que, dans la littérature de ma jeunesse, il y avait bien
plus de héros garçons que filles. (J'ai failli utiliser Fifi Brindacier, qui
faisait partie de mes livres cultes, mais pour les raisons que je développe
plus haut, je n'ai pas trouvé de "couloir" satisfaisant avec les autres
livres que je souhaitais utiliser).
Le 8 juin 2007
Réponse à une question sur la portée didactique/pédagogique de son ouvrage et sur ce qui a motivé son choix des prénom et son choix d'intertexte
G. - Je pense qu'il ne faut pas tout confondre : les écrivains pour la jeunesse
ne sont ni des théoriciens, ni des enseignants, et heureusement ! Nous
racontons des histoires uniquement pour le plaisir, et nous fonctionnons
donc à l'imagination et à l'instinct. Je suis toujours très irritée lorsque,
dans des manuels scolaires, on parle de mon travail en me prêtant des
intentions pédagogiques alors que tout ce que j'ai cherché, c'est à donner
des rebondissements à l'intrigue, à rendre mon texte passionnant ou, tout
simplement, à m'amuser ! L'écriture est avant tout une activité de vieil
enfant qui aime à se raconter des histoires !
Les noms de mes personnages, eux non plus, n'ont aucune motivation du
moins dans le sens où vous l'entendez. Guillaume est le premier nom qui
m'est venu à l'esprit. Ma seule "contrainte" était que ce soit un nom
passe-partout et bien d'aujourd'hui, puisque le personnage l'était. Ida se
prêtait à des déformations sympas (Adi, Idda) et, de plus, c'est le nom de
ma tante dont le mari était "oncle Doudou". Je trouvais ça rigolo,
d'autant que Doudou signifie "chéri" en créole et est très usité dans les
Antilles. M. Pennac est venu tout à fait par hasard sous ma plume : je
venais de terminer la lecture de "Cabot Caboche" de Daniel Pennac, et son
nom a dû rester coincé entre mes petites cellules grises. Mais il aurait
aussi bien pu s'appeler Durand, Dubois, ou Sparrow (si j'avais vu "Pirate
des Caraïbes" la veille).
Votre troisième question m'embarrasse, car elle m'obligerait à théoriser ce
qui, je le répète, est une affaire d'instinct. Il y a dans tous mes livres,
qu'ils s'adressent aux jeunes ou aux adultes, un mélange d'humour et
d'émotion qui découle, tout simplement, de ma propre perception de la vie.
Le choix des livres dans lesquels voyagent mes héros, je vous l'ai expliqué
dans mon mail précédent, ne m'a été dicté que par mes émotions d'enfant. Le
reste est venu tout seul. S'il y a de l'humour, il est tout simplement le
reflet de ma nature profonde. Et peu importe s'il naît d'anachronismes ou
autres décalages : ce sont des choses qui viennent toutes seules et que je
me refuse à analyser posteriori, ce qui sonnerait faux. Moi, une situation
me semble rigolote, je fonce dedans, point. Mes lecteurs font la même chose
de leur côté, du moins je l'espère. Quand à "l'intertextualité" dont vous
parlez (c'est un néologisme, ce mot-là : je ne le connaissais pas. Il a
fallu que j'aille voir au dictionnaire son sens exact), je ne pense pas
qu'elle concerne les gamins. Ce n'est ni leur propos, ni leur problème. Tant
mieux si l'emprunt que je fais à d'autres livres leur donne l'envie de
retrouver les personnages dans leur texte d'origine ‹ ce qui est, avant
tout, une réaction affective, et non démarche intellectuelle ‹ mais s'ils ne
le font pas, ça n'a pas d'importance. Ils auront eu un aperçu de quelques
figures mythiques (et surtout attachantes) de la littérature classique. Ainsi
aurons-nous partagé, le temps d'un chapitre, mes coups de coeur de vieille
petite fille romanesque.
Voilà. J'ignore si mes réponses vous satisfont ou vous déçoivent, mais elles
ont au moins le mérite d'être sincères.
Cordialement
GUDULE
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