La littérature postmoderne

 

« Postmoderne » : terme né surtout aux E.-U. à la fin des années 1960, donc plutôt conçu au début comme un concept anglo-américain.

Dès la fin des années 1970, et au début des années 1980, apparurent en Amérique du Nord des cours sur la fiction postmoderne. Auteurs/oeuvres étudiés :

  • John Barth (Lost in the Fun House, 1968),  romancier et nouvelliste américain, souvent considéré comme postmoderne par la critique)
  • Samuel Beckett
  • Jorge Luis Borges
  • Vladimir Nabokov (Lolita, Finnegan’s Wake)
  • Gabriel Garcia Marquez (Prix Nobel 1982 , Cent Ans de solitude…)
  • Italo Calvino (Si par une nuit d’hiver un voyageur)
     

Certains y incluent des nouveaux romanciers (Butor, Robbe-Grillet…). D'autres voient chez des auteurs comme Faulkner, Joyce, Kafka des « pré-postmodernistes » :-).

  • Selon Barth (cf. Barth « La littérature du renouvellement : la fiction postmoderne » [1981]), la littérature postmoderne réaffirme le projet de la modernité. Et Barth de rappeler ce que Graff (E.-U. 1979) dit sur la littérature moderne :

- la littérature moderne s’enracine dans la critique de l’ordre social bourgeois du 19e

- elle renverse les principes du réalisme (on remplace l’espace et la matière « réalistes » par quelque chose de plus mythique)

- elle propose une dislocation de la continuité linéaire du récit

- elle offre une déception de l’attention traditionnelle d’une unité et d’une cohérence de l’intrigue et des personnages

- elle remet en question la « signification » morale et philosophique de l’activité littéraire

- elle montre la permanente distorsion subjective des faits afin de souligner la fragilité de l’ « objectivité » du 19e

- elle accorde de l' importance au rôle de l’artiste/l'écrivain

= ce que font Kafka, Joyce (mais on y retrouve aussi des caractéristiques du Nouveau Roman)

 -> cela se traduit par des œuvres qui se préoccupent de plus en plus d’elles-mêmes et de leurs processus internes.

 

  • Mais, nous dit Barth, la littérature postmoderne s’en détache aussi un peu, en offrant notamment des textes plus démocratiques (qui toucheraient plus de monde).

 

En 1979, le philosophe  Jean-François Lyotard, à la suite d’une demande du Conseil des Universités auprès du gouvernement du Québec, a écrit La Condition postmoderne : rapport sur le savoir (Paris, Minuit [cf Nv Rom], 1979), ce qui a permis de mieux cerner un concept assez flou puisqu’utilisé aussi bien en architecture, au cinéma, en musique, etc.

D’après lui, le postmoderne désigne un savoir hétérogène qui remet en question les grands discours philosophiques, historiques et scientifiques [= plus d’autorité antérieure] et les systèmes de pensée annexés aux notions de consensus

Comment cela se traduit-il en littérature ? 

Par la remise en question aux niveaux de la forme et du fond de la notion d’unité, d’homogénéité, d’harmonie

  • pluralité des discours
  • pluralité des points de vue
  • fragmentation / éclatement du texte
  • thèmes de division (politique,  sociale, etc…)
  • thème de l'ouverture à la différence
  • intertextualité, autoreprésentation

 

 

Bibliographie sélective

Appignanesi, Richard et Chris Garratt, avec la collab. de Ziauddin Sardar et Patrick Curry. Postmodernism for Beginners, Cambridge, Icon Boks, 1998, 176 p.

 

Ashley, Kathleen, Gilmore, Leigh et Gerald Peters (s. la dir. de). Autobiography and Postmodernism, Boston, The University of Massachusetts Press, 1994, 318 p.

Bayard, Caroline. « Post-modernisme et avant-garde au Canada, 1960-1984 », Voix et Images, vol. X, no 1, automne 1984, p. 37-58.

Havercroft, Barbara et Sylvia Söderlind. « Théories et pratiques du postmodernisme: bibliographiqe sélective »,Tangence, numéro sur La fiction postmoderne, no 39, mars 1993, p. 132-140.

Hutcheon, Linda. « The Postmodern Problematizing of History », English Studies in Canada, vol. xiv, no 4, décembre 1988, p. 365-382.

Linn, Ray. A Teacher’s Introduction to Postmodernism, Urbana, National council of Teachers of English, 1996, 161 p.

Lyotard, Jean-François. Le Postmoderne expliqué aux enfants : correspondance, 1982-1985, Paris, Éditions Galilée, coll. Livre de poche, Biblio essais no 4183, 1988, 150 p.

---. La Condition postmoderne : rapport sur le savoir, Paris, Minuit, 1979.

---. « Réponse à la question : qu’est-ce que le postmoderne ? », Critique, no 419, 1982, p. 357-367.

Michaud, Ginette. « Récits postmodernes ? », Études françaises, vol. 21, no 3, hiver 1985-1986, p. 67-88.

Paterson, Janet. Moments postmodernes dans le roman québécois, Ottawa, Presses de l'Université d'Ottawa, 1990, 126 p. [avec bibliographie p. 153-161]

Paterson, Janet. Postmodernism and the Quebec Novel, trad. de David Homel et Charles Phillips, Toronto, U. of Toronto Press, coll. Theory and Culture, 1994, 167 p. [traduction de Moments postmodernes avec ajout d’un chapitre sur Le Desert mauve de Nicole Brossard].

Roemer, Michael. Postmodernism and the Invalidation of Traditional Narrative, Lanham (Maryland / London, Rowman and Littlefield Publishers, 1995, 499 p.

Thiher, Allen. Words in Reflection : Modern Language Theory and Postmodern Fiction, Chicago, University of Chicago Press, 1984, 247 p.

Vautier, Marie. « Les métarécits, le postmodernisme et le mythe postcolonial au Québec : un point de vue de la ‘marge’ », Études littéraires, vol. 27, no 1, été 1994, 43-61. [numéro spécial consacré au postmodernisme]