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La Fée du robinet

Pierre Gripari (1967)

 

Il était une fois une fée, une gentille petite fée, qui vivait dans une source, pas très loin d'un vil­lage. Vous savez, n'est-ce pas, que la Gaule autrefois n'était pas chrétienne, et que nos pères les Gaulois adoraient les fées. À cette époque, les gens de ce village adoraient cette fée-là. Ils portaient à la source des fleurs, des gâteaux et des fruits, et même, les jours de fête, ils mettaient leurs plus beaux habits pour y venir danser.

Et puis, un jour, la Gaule devint chrétienne, et monsieur le curé interdit aux gens du pays de porter des offrandes et de venir danser autour de la source. Il prétendait qu'ils y perdraient leurs âmes, et que la fée était un diable. Les villageois savaient bien que ce n'était pas vrai ; cependant, ils n'osaient rien dire, parce qu'ils avaient peur du curé. Mais les plus vieux d'entre eux conti­nuèrent de venir, en cachette, pour déposer leurs dons près de la source. Quand le curé s'en aper­çut, il se fâcha tout rouge. Il fit dresser en cet endroit une grande croix de pierre, puis il orga­nisa une procession et prononça au-dessus de l'eau un tas de paroles magiques, en latin, pour chasser la fée. Et les gens crurent vraiment qu'il avait réussi à la faire fuir, car, pendant quinze cents ans, plus personne n'entendit parler d'elle.  Les vieux qui l'adoraient moururent, les jeunes l'oublièrent peu à peu, et leurs petits-enfants ne surent même plus qu'elle avait existé. Même les curés, ses ennemis, cessèrent de croire en elle. 

Pourtant la fée n'était pas partie. Elle était toujours là, dans la source, mais elle se cachait, car la croix l'empêchait de sortir. Du reste, elle avait bien compris que personne ne voulait plus d'elle. 

- Patience ! pensait-elle. Notre temps est passé, mais le temps des chrétiens passera, lui aussi !

Un jour, cette croix tombera en mor­ceaux, et de nouveau je serai libre... Un jour, deux hommes passèrent près de la source. C'étaient des ingénieurs. Ils remar­quèrent que l'eau en était abondante et claire, et décidèrent de l'utiliser pour le ravitaillement de la ville prochaine.  Quelques semaines plus tard arrivèrent les ouvriers. Ils enlevèrent la croix, qui les gênait pour travailler, puis ils captèrent l'eau de la source et l'amenèrent, par tuyaux, jusqu'à la ville.  C'est ainsi que la fée se retrouva, un beau jour, dans une canalisation qu'elle suivit à l'aveuglette, pendant des kilomètres, en se demandant ce qui avait pu arriver.

[...]

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