LE PETIT POUCET
Etude de la structure du conte
Conte initiatique
Plusieurs critères fréquemment présents dans un récit d’initiation se retrouvent dans le conte du « Petit Poucet » selon Perrault.
1. L’initiation se manifeste bien dans une confrontation avec la mort en vue d'une nouvelle naissance et cela dans une situation inhabituelle (errance et quête dans la Forêt archétypale ou primordiale).
2. Une série d'épreuves est imposée au protagoniste. Le héros doit se servir de la ruse, et non de la force brute, pour surmonter les divers obstacles et il réussit ces rituels de passage.
3. Avant l’initiation le héros apparaît comme enfantin, innocent / ignorant, niais (le nice des textes médiévaux)… Il a alors besoin de l’abri familial, de la protection de ses ascendants et il est plutôt mal assuré, voire peureux. Il est frappant de voir chez Perrault que durant l'initiation le Poucet est dépourvu d'aide ; il doit s'en sortir seul, sans auxiliaire, ne pouvant compter sur ses frères.
4. Après la réussite de l'initiation, le héros peut se débrouiller seul dans le monde des adultes.
Tentative d'analyse de la structure du conte
Situation initiale
- Manque résultant d'un déséquilibre déjà établi :
situation méprisée du cadet, pris comme souffre-douleur et considéré comme niais ; sa position est assez comparable à celle de Cendrillon.
De plus, un déséquilibre nouveau s'ajoute avec l'arrivée d'une famine et la misère accablante des parents.
- Mandement du destinateur / acceptation de mission par le héros
Indirectement car le Poucet entend en se cachant le projet des parents de perdre leurs enfants dans les bois.
-Contrat passé entre le héros et le destinateur
Pas un contrat explicite : mais le Poucet ramasse des cailloux blancs en prévision ; il accepte la responsabilité du groupe.
Transformation
1. Epreuve de qualification :
- Départ du héros : départ de la famille dans la forêt pour la corvée de fagots.
- Assignation d'une épreuve / passation de l'épreuve : qualification du héros / disqualification des faux héros
Les parents perdent les enfants et disparaissent. Le Petit Poucet avec les cailloux blancs réussit à retrouver le chemin de la maison. Il réussit par la ruse, le calme et l'intelligence sans l'aide de ses frères qui pleurent ; ils sont ainsi disqualifiés.
- L'épreuve semble redoublée, après un bref retour à la maison familiale et une amélioration financière momentanée : une nouvelle fois, les parents perdent les petits ; mais la ruse des miettes de pain échoue cette fois à cause des oiseaux ; cela amène une complication.
- la réception d'un objet magique, la rencontre d'un adjuvant qui permettra d'accomplir la quête n'est pas vraiment clairement actualisée à ce stade. Seule la ruse aidera le Poucet. On peut observer que la femme de l'ogre lui servira, plus tard, quelque peu d'auxiliaire en ayant pitié d'eux. Les couronnes magiques prises aux filles de l'ogre, à la fois objets magiques et signes de reconnaissance, ont pu être assurément «l'objet magique»; dans la version de Perrault, ce motif est très élaboré, fortement transformé. |
- Retour du héros vers le point de départ du voyage : Fuite de retour vers la maison mais le groupe est poursuivi par l'ogre.
Mais il y a comme un redoublement de l'épisode de lutte contre l'ogre : nouveau combat contre le monstre vorateur avec le vol des bottes sous le rocher creux — sans doute est-ce ici un souvenir de la grotte initiatique. Les bottes serviront d'objet magique et de marque (i.e. preuve) de la victoire.
Idem : nouvelle ruse de Poucet qui va chez l'ogre s'emparer de son or ! Le triomphe est donc alors complet sur l'adversaire.
Epreuve de glorification :
La situation de l'armée aux frontières à 200 lieues est bien une tâche difficile, une épreuve finale de glorification à accomplir pour / devant le roi.
- Réussite du héros à l'épreuve grâce à la "marque" reçue précédemment : le Poucet brille publiquement en portant les messages de l'armée le soir même, grâce aux bottes de sept lieues.
- Reconnaissance du héros / identification des faux héros
Reconnaissance de tous pour Poucet ; réussite et gloire. Ses frères ne sont cependant pas stigmatisés comme imposteurs.
- Sanction : récompense du héros / punition des faux héros
Comme dans la version de «Cendrilllon» de Perrault, les frères, loin d'être punis pour leur méchanceté initiale, seront établis par leur cadet méprisé — opposer à la version de «Cendrillon» des Grimm où les comptes sont soldés cruellement. Perrault semble soucieux de proposer des valeurs morales décentes, très sociales et très chrétiennes avec le pardon des offenses.
Situation finale
- Disparition du manque : L'équilibre est doublement rétabli : 1. avec la disparition de la misère pour Poucet et les siens ; 2. il n'est plus considéré comme l'idiot de la famille.
- Entrée en possession de l'objet par le héros. Désormais, Poucet est installé comme adulte autonome : il dispose d'un bon métier, celui de courrier, il possède de l'argent à volonté et il est dans la posture d'un vrai chef de famille qui dote ses frères, les établit et il aide même désormais ses ascendants...
|