La Chèvre de Monsieur Potvin
Angèle Delaunois (1997)
Monsieur Potvin n'avait jamais eu de bonheur avec
ses chèvres.1
Pourtant, il était bien installé, monsieur Potvin, et il avait tout ce qu'une chèvre peut souhaiter dans sa vie de chèvre.
Il habitait une jolie ferme blanche avec des volets verts,
blottie à l'abri d'une montagne. Des arbres centenaires ombrageaient sa maison. Tout à côté, un vaste clos où serpentait un clair ruisseau était entouré d'une haie de rosiers sauvages. Il y avait aussi une étable confortable où monsieur Potvin enfermait ses bêtes, à l'abri, dès que le soir tombait. Un vrai paradis de petite chèvre ! […]
Monsieur Potvin avait possédé plusieurs chèvres... mais à chaque fois, il lui était arrivé la même mésaventure qu’à son collègue bien connu monsieur Seguin.
Au début, tout allait bien. Les biquettes semblaient contentes de leur sort. Mais au bout de quelques semaines, leur moral se gâtait. Petites, grandes, jeunes ou vieilles, les chevrettes devenaient nerveuses, irritables ou tristes. Elles refusaient même de donner la moindre goutte de lait. Elles chevrotaient à cœur de jour en tirant sur leur corde. À la première occasion, elles se sauvaient dans la montagne où le loup les mangeait... car il y a toujours un loup qui surveille les chèvres en fuite. [...]
1. Les mots en italiques sont de Alphonse Daudet.
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