Une grenouille au château
Marie-Nicole Marchand ; ill. Bruno St-Aubin
*** Correspondance avec l'auteure ***
(12 février 2009)
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Bonsoir Madame Marchand,
MP -- Je m'appelle Monica Paraghamian, je suis étudiante en quatrième année de bac au collège francophone "Glendon" à Toronto. Mardi prochain nous faisons une présentation orale sur votre livre "Une grenouille au château" pour le cours de "Littérature jeunesse d'aujourdhui". Nous voudrions vous poser quelques questions afin de bien présenter votre oeuvre à sa juste valeure.
MNM --Tout d'abord, laissez-moi vous dire ma surprise, mon étonnement et, surtout, ma joie d'apprendre qu'un de mes livres est choisi par des élèves pour représenter la littérature jeunesse, qui plus est à ... Toronto!!! Il me fait vraiment plaisir de vous répondre. Je vais d'ailleurs probablement vous dire les mêmes choses qu'aux élèves du primaire que je rencontre lors d'animations littéraires...
MP -- Qu'est-ce qui vous a influencé à écrire de la littérature jeunesse? Pourquoi avez-vous choisi les grenouilles comme personnages principaux pour une série?
MNM -- J'ai commencé à écrire pour mes filles, parce que je trouvais souvent que les livres pris à la bibliothèque ne correspondaient pas à leurs intérêts. Lorsque ma fille Sarah avait 3 1/2 ans, je lui ai raconté (de mémoire) le conte des frères Grimm dont je me suis par la suite inspirée. Puis, ma fille m'a dit: "Maman, je vais te raconter une histoire: La princesse rencontre une grenouille. La princesse embrasse la grenouille. La princesse se change en grenouille." Elle avait un sourire qui disait clairement que la fin était volontaire de sa part! J'ai éclaté de rire, en me disant ensuite que cela ferait effectivement une belle histoire.... J'ai écrit pendant 3 ans (la nuit, avant d'allaiter mon bébé; dans l'autobus en revenant de travailler; pendant mes vacances; à chaque moment de libre). Puis, j'ai tenté ma chance auprès d'une maison d'éditions... et la suite est un conte de fées! En fait, ça a pris un autre deux ans avant de voir le livre publié (on ne se doute pas du nombre de modifications, corrections, etc. qu'il y a à faire, puis le temps à l'illustrateur de faire les dessins). Les autres livres ont pris moins de temps, je vous rassure (je suis rendue à 8 titres, depuis 1999). En passant, ma fille aînée va bientôt avoir 18 ans, alors, ça vous laisse une idée du temps que l'écriture prend! Voilà donc pourquoi ce conte a des grenouilles comme personnages principaux. Évidemment, les suites devaient aussi être avec des grenouilles! Mais ce n'était pas volontaire de ma part, si on veut. À la base, je ne collectionne pas les grenouilles, ce n'est pas mon animal préféré. Par contre, la grenouille est un peu un personnage mythique dans les contes de fées et puisque c'est le style littéraire que je préfère... Je n'écris jamais d'histoire "contemporaine" du genre le petit garçon-sa soeur-leurs parents-et-le-chien. J'ai toujours aimé lire des "contes de fées", et quand j'essaie d'écrire autre chose, ça ne marche pas... Parlant de collection de grenouilles, je dois avouer cependant qu'à cause des animations que je fais parfois, je possède maintenant plusieurs grenouilles en peluche... Mais elles sont remisées dans un sac entre chaque animation. J'ai aussi une tête de sorcière, un chat noir avec une boucle d'oreille (!), une chatte blanche, une souris-marionnette avec une jupette qui provient d'un "kit" de Barbie de mes filles; un dragon; etc. Disons que je ne me déplace pas les mains vides!
MP -- Y a t-il un message didactique dans cet album? (Vers la fin de l'histoire, la princesse apprend qu'elle ne devrait pas toujours croire aux "histoires de grand-mère").
MNM -- Ce conte-ci se voulait un "anti-conte de fées" humoristique: le prince est un peu bênet; la princesse plutôt égocentrique; et la fin n'est pas celle à laquelle on s'attendait... Par contre, dans mes autres contes, il y a effectivement toujours un message, ou un sens plus profond (autant pour les adultes que pour les enfants...). "Pour l'amour d'une grenouille" est philosophique; "La révolte des grenouilles" est sociologique; "Grégor 1er, grenouille et roi" est carrément politique; "Le trésor de l'ogre" traite de la différence, du racisme, des valeurs de coeur versus les richesses matérielles; "Parti vert chez les grenouilles" dans la collection Cheval masqué, est un conte écologique; "Le chat de la sorcière" est une véritable histoire d'amour; "La belle vie... de grenouille" parle de choix de vie... J'aime que les livres suscitent une réflexion après leur lecture. Plusieurs enseignantes m'ont déjà mentionné utiliser "Le trésor de l'ogre" dans le cours de morale et religion, par exemple.
MP --Nous avons conclu que cet album devrait figurer entre les catégories de "l'album" et du "mini roman", à cause de la longeur du texte et de son vocabulaire assez avancé. (Nous l'avons comparé aux textes originaux de "Babar" de Jean et Laurent Brunoff). Qu'en pensez vous?
MNM -- Effectivement, et ce n'est pas mon plus long!!! Dans la collection Le raton laveur, je suis probablement l'auteur dont les livres contiennent le plus de mots. "Pour l'amour d'une grenouille" a autant de mots qu'un roman jeunesse et c'est pourquoi il y a fallu faire un seul dessin par deux pages, ce qui est exceptionnel dans cette collection. Le niveau du vocabulaire est aussi anormalement élevé, si je puis m'exprimer ainsi. Mon opinion est que si on écrit seulement avec des mots qu'un jeune enfant connaît déjà, comment fera-t-il pour en apprendre d'autres? Lorsqu'un enfant ne connaît pas la signification d'un mot, il va le demander et saura ainsi un nouveau mot! Je suis une maniaque des mots: le mot juste, précis. Les plus belles "tournures" de phrase. J'écris et réécris mes textes des centaines de fois, jusqu'à trouver la meilleure formulation. Et malgré la longueur de mes textes, il y a quand même toujours une limite à respecter, ce qui est ma plus grande difficulté. Comment rendre une histoire complète, avec le minimum de mots. Et si vous comptez bien les pages, vous réaliserez que ce type d'album a toujours 24 pages. Pas une de plus, pas une de moins (c'est à cause du format des feuilles d'imprimerie, qui contiennent 12 pages par côté, pour un total de 24). Le texte commence généralement à la page 4, ou à la page 3, jusqu'à 24. C'est un défi, croyez-moi! J'adore lire, j'adore écrire, j'adore rencontrer les enfants dans les écoles ou les bibliothèques. J'ai un autre travail, à temps plein, pour gagner ma vie (!), mais je consacre tous mes temps libres à ces trois passions.
MP -- Pour le moment, ce sont toutes les questions qui me viennent en tête. J'espère que vous trouverez le temps de répondre. Je m'excuse d'avance si mes questions vous semblent trop analytiques ou pas assez.
Avec mes remerciements sincères,
MNM -- J'espère que j'ai su répondre à vos interrogations. N'hésitez pas à communiquer avec moi si des précisions sont nécessaires. Je vous conseille aussi, si ce n'est déjà fait, de consulter les sites internet de: Bayard jeunesse - Le raton laveur et Cheval masqué; Communication jeunesse; Répertoire culture éducation, du ministère de la Culture et des Communications, Association des auteurs de la Montérégie. Ces sites contiennent différentes informations concernant moi et mes livres, qui pourraient peut-être vous être utiles (il y a même des photos, avec mes grenouilles!!!)
Bonne chance avec votre présentation orale. Je serais heureuse que vous m'en donniez des nouvelles.
Marie-Nicole Marchand
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